samedi 11 janvier 2014

L'art décoratif des jardins japonais




L’art des jardins au Japon reste une technique parmi les plus étonnante de la sensibilité japonaise. Bien qu’importé de la Chine via la Corée, certainement en même temps que le bouddhisme et l’écriture chinoise, l’art des jardins a évolué au cours des siècles. En aucun cas, il ne s’agit d’un jardin comme il peut être conçu en Europe. C’est plutôt le fruit d’une perception de la nature. Il s’agit d’une mise à l’échelle de la nature environnante, ou d’un monde religieux où flotterait l’harmonie des choses. 

Cette technique se développe durant la période Heian mais à part quelques vestiges, dont le célèbre Joruri-ji à Nara, le Byodo-in à Uji près de Kyoto, ou encore le Motsu-ji à Hiraizumi, le style shinden et les jardins du paradis s’intègrent au plan de masse et aux demeures construites dans l’environnement immédiat. Un certain nombre de lois, comme la présence d’un étang et des collines artificielles, doit être respecté, le tout correspondant à une miniaturisation de la nature. Le bâtiment principal est orienté vers le sud, et entre celui-ci et le jardin se trouve un espace dégagé et situé au sud de la propriété, planté de pruniers, de cerisiers, de mûriers, de saules, d’érables et de pins devant vraisemblablement impliquer le symbolisme des saisons. 


Le jardin, selon les règles de la géomancie chinoise, doit être traversé par un ruisseau qui coule du nord-ouest au sud-est. Il  alimente en eau pure un petit étang dans lequel sont immergés quelques rochers reliés par des ponts en bois ou en pierre. Il prend alors une valeur poétique, puisque sur ses bords sont construits des pavillons de contemplation ou de pêche. La surface calme et virtuelle de l’eau permet une réflexion de la lune comme si elle venait de l’intérieur. Ces différents pavillons sont reliés au bâtiment principal par des corridors. Les seules images qui soient parvenues à atteindre le XXIe siècle, sont dessinées sur des emakimono. Tout est codifié : le nombre, l’implantation des pierres, leur éventuel axe de symétrie, et surtout les formes dégagées comme représentations bénéfiques ou maléfiques de l’espace. 


C’est à partir de l’époque Muromachi que l’art du jardin se modifia au contact de la philosophie Zen. Le jardin devient un lieu de méditation. L’exemple du jardin de Saiho-ji à Kyoto, crée au XIVe siècle par Kokushi Muso (1276-1351), est révélateur. On assiste à une sorte de renversement vertical symbolique. Le bas du jardin est composé d’arbres, de mousses, d’un étang et d’un pavillon, alors que le haut, le monde éthéré de la méditation, est représenté par un jardin sec. 

C’est à l’époque de Muromachi que le jardin va prendre toute son ampleur. L’architecture est épurée avec les constructions du Kinkaku-ji, du Ginkaku-ji et du Daitoku-ji. La vision du jardin est rendue plus mobile, ce qui paraît être un paradoxe, que relève l’enseignement du Zen. C’est en multipliant les points de vue, les koan (énigmes du zen), que le satori peut être atteint. Au cours de la période Momoyama s’affrontèrent deux types de jardins. Les premiers, aristocratiques, sont conçus comme symbole du pouvoir. Ils trahissent l’ambition, la force et l’abondance. Les seconds, au contraire, mobilisent une esthétique du détachement et permettent d’envisager une esthétique bâtie sur la rareté et la justesse du geste.

Le jardin de Katsura inaugure une nouvelle conception, il devient un jardin conçu selon une progression de la découverte des essences et des sensations. Il devient jardin de promenade. Les participants marchent le long de plusieurs sentiers et découvrent, au hasard des pavillons, des nouveaux points d’observation ou des impressions. L’architecture moderne fait appel aux conceptions de l’art du jardin. Compte tenu de la raréfaction de l’espace , les petits jardins trouvent tout naturellement leur place dans le gigantisme urbain, tout particulièrement à Tokyo.  

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