Ils sont soit conservés en vue d'une réutilisation future, soit détruits après usage et refaits avant chaque séance de pûjâ (adoration, prière). Ces yantra peuvent être utilisés seuls ou en série, pour les cérémonies au cours desquelles plusieurs divinités ou forces doivent être invoquées.
Ces diagrammes, mandala ou yantra, d'origine fort ancienne, obéissent à des lois de composition strictes, à des formules mathématiques et géométriques et peuvent, dans une certaine mesure, être assimilés aux plans de base des temples indhous, plans considérés en eux-mêmes comme des diagrammes censés constituer la "demeure" de la divinité.
Cependant, la véritable nature du yantra et le symbolisme qu'il recèle sont tenus secrets par les adeptes du tantrisme qui attribuent une valeur presque magique à sa signification profonde. Certains de ces yantra se combinent parfois avec des mandala, le diagramme schématique se trouvant au centre comme point (bindu) de méditation, alors que les divinités "d'appoint" l'entourent. Leur visualisation par l'adepte est destinée à provoquer chez celui-ci un état particulier de conscience dans lequel toutes les différences s'estompent pour ne faire place qu'à la Seule Réalité. Géométrie des lignes et des couleurs sont donc de première importance.
En général, un mandala ou un yantra se trouve inscrit dans un carré muni de "portes" aux horizons. Inscrit à son tour dans ce carré se trouve un cercle en forme de fleur de lotus épanouie (avec parfois une divinité dessinée sur chacun de ses huit pétales) ; au centre de ce cercle est inscrit le yantra proprement dit (où l'image de la divinité principale). Tout autour du carré (qui peut lui aussi être inscrit dans un cercle de pétales ou de montagnes) sont dessinées les divinités "d'appoint" parfois insérées dans un paysage. Le tout forme un mandala. Le yantra le plus commun, celui qui, également, possède la plus grande valeur spirituelle, est le Shrî Yantra, un diagramme composé de six triangles imbriqués, trois avec la pointe en haut, trois avec la pointe en bas, un septième triangle se trouvant figuré (généralement avec la pointe en bas) dans le milieu de cet assemblage, lequel est marqué par un point (bindu).
Les couleurs sont utilisées dans les yantra comme les mandala selon leur signification symbolique conventionnelle, mais alors que dans les mandala elles peuvent être nuancées, elles apparaissent, dans les yantra, crues et violentes : rouge vif, jaune d'or, bleu foncé, indigo, vert et blanc. Ces couleurs sont juxtaposées en aplats et strictement délimitées par des tracés. A l'extérieur du diagramme, elles symbolisent les points du compas. Elles peuvent varier selon sectes et les divinités que l'on désire invoquer. Dans les mandala au contraire, si les mêmes couleurs de base sont utilisées, elles sont souvent mélangées entre elles, et les figures représentées sont colorées avec des nuances, chaque couleur pure renvoyant à une divinité donnée et à sa place dans le diagramme.
Le tantrisme, qui fut à l'origine de thèmes artistiques particuliers, se développa surtout dans l'Inde de l'Ouest où existait une longue tradition picturale. Mais l'art des tantra ne se limita pas à la peinture, et les adeptes de ces philosophies, où le symbolisme sexuel tenait une très grande part, utilisèrent d'autres matériaux, comme le métal ou la sculpture sur bois ou sur pierre.
Au Népal comme au Tibet, les divinités sont très souvent représentées en pose dite yab-yum (père-mère), c'est à dire en étroit embrassement sexuel, où encore certaines peintures tantriques de Kângrâ qui montrent le couple originel en embrassement sexuel sous les pieds d'une divinité de l'illusion (mâyâ). Les cultes de Shiva, notamment, n'ont nullement d'aspect tantrique, bien qu'ils mettent l'accent sur l'adoration du linga, organe mâle géniteur du dieu profondément enfoncé dans la yoni féminine dans le but de procréer. De même, les innombrables images représentant Krishna et Râdhâ n'appartiennent pas au courant tantrique. En revanche, les petits bronzes de l'Orissa ou du Râjasthân datant des XVIIème et XVIIIème siècles montrant la déesse Kalikâ assise à califourchon sur le cadavre de Shiva en érection divine, sont définitivement à caractère tantrique. Mais le tantrisme ne représente pas uniquement des images érotiques. Les jaina surtout se sont attachées à montrer dans des diagrammes à forme humaine (le grand Purusha), grâce à un agencement particulier des formes géométriques et des figures, les divers états des matières matérielle et spirituelle et leur interaction selon des niveaux successifs, dans les diagrammes appelés purûshkara-yantra. Il existe une infinité de formes, de diagrammes et de textes appartenant au tantrisme, et l'étude en a été imparfaite jusqu'ici, tant est grande sa complexité.
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