La peinture de manuscrits ou d'albums du sultanat d'Ahmadnagar est très mal connue hormis entre 1565 et 1595. L'histoire du sultan Ahmad Husain Nizam Shah 1er (1554-1565), qui pour un temps fut le contemporain d'Akbar, a fait l'objet sous le nom de Tarif 1er-Haussain Shadi, d'un manuscrit illustré, à la gloire du sultan et à celle de la beauté de son épouse, une princesse de Golconde. Ce manuscrit aurait été patronné par le Sultan même. Ceci expliquerait alors qu'il n'ait comporté que douzes illustrations (peintes vers 1565), le sultan étant décédé brusquement quelques mois après la chute de Vijayanagar en 1565, à laquelle il participa avec les sultans de Golconde et de Bijapur. Au reste, ce manuscrit relate également la défaite de Vijayanagar, il offre des peintures décoratives qui, par le traitement conventionnel des visages, le port féminin du petit corsage (le choli) et de la longue jupe, les couleurs vives et le refus de toute perspective, sont à rapprocher des peintures du Râjasthân ou du Mâlwâ. Révélant l'assimilation de la culture indienne, une des peintures donne l'image de l'épouse du sultan qui, entourée de femmes, touche un arbre, qu'elle fait ainsi fleurir. Très différents par leur style en partie persan, la liberté des lignes, et l'expression des visages, sont les divers portraits très probablement de Murtaza 1er (1565-1588).
Empreintes de poésie, des peintures de râgmâlâ, à contempler en écoutant des modes musicaux et provenant du sultanat d'Ahmadnagar ou de Bijapur (les avis diffèrent quelque peu) sont attribués à la dernière décade du XVIème siècle. Elles offrent un style assez indien, naïf et décoratif. Les visages sont de profil, l'œil de face, les feuilles des arbres de teintes différentes traitées une par une. La tunique masculine croisée est parfois à pointes ; Quant au costume féminin, il peut être hindou, ou musulman laissant alors apparaître un pantalon collant sous la longue "tunique" transparente comme il en fut longtemps dans la moitié Nord de l'Inde.
A Bijapur, le sultan Ali Adil Shâh (1557-1579), patronna la peinture, mais le grand essor de celle-ci, qui devint plus savante, est due à Ibrahim Adil Shâh II (1579-1627), qui encouragea également d'autres arts.Contemporain d'Akbar, avec lequel il était en bons termes, puis de Jahângîr, ce sultan était musicien, peintre et poète. Il écrivit des chansons, non en langue persane mais en ourdou deccani. Les peintures exécutées sous son patronage se caractérisent généralement par un certain dynamisme, parfois donné par l'envol ou le mouvement des vêtements, et souvent par le contraste des tons sombres et des tons clairs, ou vivement clairs, ou vivement colorés. Ces traits marquants apparaissent notamment dans un portrait équestre du sultan, peinture quelque peu romantique attribuée aux environs de 1590. Le sultan, vêtu d'une longue jamah d'un rose soutenu, et tenant sur son poing un grand oiseau blanc, est assis "en amazone" sur un cheval au galop. Le corps de celui-ci est presque blanc, mais ses pattes sont d'un rouge vif. L'ensemble se découpe sur le fond sombre de la nature, cependant égayé dans la partie supérieure, par les diverses teintes plus claires, des rochers, des oiseaux et surtout du ciel. Sur les divers portraits du sultan plus âgé, la douceur de ses traits demeurent, et bien que différentes, les compositions sont dynamiques par le jeu des lignes courbes. Il en est ainsi, notamment sur une peinture conservée au British Museum. Les peintures des trois premières décades du XVIIème siècle sont fort variées dans leurs genres et leurs factures. Celles qui ont pour principal acteur un animal en mouvement, éléphant ou cheval, séduisent par la vigueur du dessin et très libre interprétation du paysage. D'un dessin cependant habile, certains portraits du sultan déçoivent par la fadeur des couleurs, ou la discordance de celles-ci. A la fin de son règne, et plus encore sous celui de son successeur, l'art du portrait est en partie influencé par celui de la peinture moghole.
Golconde, dont les sultans étaient des Turkmenes, fut au XVIIème siècle l'état musulman le plus riche du Dekkan grâce au commerce de beaux tissus vendus aux Hollandais. La peinture de manuscrit, moins étrange et moins riche d'influences que vers la fin du XVIème siècle, est devenue plus décorative encore, plus somptueuse et imprégnée de style persan.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire